Projet Careli

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Quels sont les effets éventuels de la « protection » du renard comparés à son classement comme espèce « chassable et susceptible d’occasionner des dégâts (CSOD) » ? Telle est la question à laquelle cherche à répondre le programme décennal Careli, initié par un consortium regroupant le monde de l’agriculture [1], de la chasse [2], et des naturalistes [3], avec l’appui de chercheurs [4].

La coordination administrative de Careli est assurée par Geoffroy Couval, FREDON Bourgogne Franche-Comté et Chrono-environnement

Contexte et objectifs

En 2018, dans le département du Doubs, la proposition de classement du renard dans la liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts a suscité de vives polémiques, les parties prenantes arguant, à propos des différentes composantes du socio-écosystème régional, d’effets négatifs de l’espèce (par exemple prédation sur le gibier comme le lièvre ou sur des espèces patrimoniales, dégâts aux poulaillers, etc.) ou positifs (consommation de campagnols prairiaux posant problème aux agriculteurs, etc.).

Lors des débats de la formation spécialisée de la Commission départementale de la chasse et de la faune sauvage (CDCFS), ses membres (agriculteurs, chasseurs, naturalistes…), au lieu de rester stérilement sur leurs positions et actant du besoin de mesurer objectivement les effets d’une prise de décision réglementaire, se sont appuyés sur les chercheurs pour proposer collectivement un dispositif de recherche-action baptisé Careli (pour CAmpagnol REnard LIèvre) visant, au terme de l’étude, la mise en place d’une gestion adaptative du renard.

Dans un premier temps, il s’agit de comparer les effets d’une différence de statut (espèce « protégée » comparée à « chassable et inscrite dans la liste des organismes susceptibles d’occasionner des dégâts ») sur :

  • les populations de campagnols prairiaux
  • les populations de lièvre
  • la contamination du milieu par l’échinocoque alvéolaire
  • les dégâts aux élevages avicoles (poulaillers,…)
  • d’autres espèces et événements mesurables (espèces d’oiseaux nicheuses au sol, dégâts dans les exploitations agricoles,…)

Ce dispositif pilote de surveillance concertée vise, à terme, non seulement à apporter un certain nombre de réponses objectives à des questions débattues en CDCFS, mais surtout la mise en place d’une nouvelle approche de ce genre de questions relatives aux socio-écosystèmes multifonctionnels, ainsi que produire des outils d’aide à la décision. Cette approche concertée et collaborative pourrait être étendue ensuite au niveau national y compris pour d’autres espèces [5].

Modalités

Où et quand ?

Le campagnol terrestre est une source importante de nourriture pour les carnivores dans le Haut-Doubs. Ses cycles démographiques étant de 5-6 ans, il est indispensable que l’étude puisse se poursuivre sur plus d’un cycle, c’est à dire au minimum une dizaine d’années, et sur des étendues très larges incluant chacune une population de renard suffisante.
Á partir de 2020, deux zones situées respectivement à une altitude de 500-700 m (région de Valdahon – Vercel) et 850-1000 m d’altitude (val de Mouthe), seront divisées chacune en deux :

  • une sous-zone « renard protégé de fait »
  • une sous-zone « renard CSOD ».

L’ensemble correspond à 4 unités cynégétiques de la FDC25 [6].

Pour chaque sous-zone, pendant 10 ans (incluant un cycle démographique complet du campagnol terrestre), les suivis listés ci-après seront réalisés afin de mesurer les effets des deux types de gestion.

Aspects réglementaires

Le renard ne peut être réglementairement protégé dans les zones requises, comme le sont par exemple le chat sauvage et le lynx (il s’agit, pour ces espèces, d’une liste nationale), mais le préfet du département a le pouvoir de retirer le renard des espèces chassables et des espèces SOD, ce qui revient à une « protection de fait ». C’est cette option réglementaire que le préfet du Doubs a accepté de mettre en œuvre dans le cadre du programme Careli.

MESUREORGANISME EN CHARGE
Comptages nocturnes (IKA renard, lièvre, chevreuil, blaireau, chat sauvage, bécasse)FDC25
Comptages diurnes (rapaces, oiseaux nicheurs, etc.)LPO Bourgogne Franche-Comté
Transects pour recenser les micromammifères (2 transects par zones)FREDON Bourgogne Franche-Comté
Suivi de l’échinococcose alvéolaire et évaluation des génotypes individuels de renards (en vue d’estimation de densité de population de renards), analyse de > 30 crottes de renard par zone.CNR Echinococcoses/Chrono-environnement
Suivi des dommages causés par le renardFNE25
Suivi des prélèvements des renards par la chasse sur les deux zones concernées.FDC25
Suivi qualité des données et analyses statistiques.Chrono-environnement
Suivi socio-anthropologique du programmeAgroécologie-INRA et LASA-UFC
CommunicationConsortium Careli

Financement

En 2020, le programme Careli ne pouvait être que partiel, car auto-financé par les organismes qui l’ont mis en place et la Zone atelier Arc jurassien. Depuis 2021 une grande partie des tâches prévues, dont les pilotes, peuvent être réalisées grâce à l’appui complémentaire du Conseil régional, de la Zone atelier Arc jurassien, de la DRAAF, de la DREAL et du Muséum de la Citadelle. En décembre 2021 des discussions ont été engagées pour coordonner l’ensemble des soutiens nécessaires, en y associant les soutiens du Conseil régional et du Commissariat de Massif.

Notes

[1FREDON Bourgogne Franche-Comté & Fédération des syndicats d’exploitants agricoles du Doubs, contact Careli : Geoffroy Couval
[2Fédération départementale des chasseurs du Doubs, contact Careli : Pierre Feuvrier, directeur
[3France Nature Environnement 25-90 & LPO de Bourgogne Franche-Comté, contact Careli : Didier Pépin
[4Laboratoire Chrono-environnement, contact Careli : Patrick Giraudoux et laboratoire de sociologie et d’anthropologie de l’Université de Bourgogne-Franche-Comté et INRAE, contact Careli : Simon Calla
[5] Un travail de ce type a été effectué par un consortium similaire dans la première décade des années 2000 pour la gestion des pullulations de campagnol terrestre. S’appuyant sur les résultats obtenus par la recherche-action dans les années 1990s, il a permis la production d’un corpus de connaissances nouvelles validées scientifiquement appuyant l’action, la réduction drastique d’usage des rodenticides dans la lutte ainsi que de leurs effets non intentionnels, et à fonder la réglementation nationale actuelle portant sur le contrôle des populations de campagnols. Il a également permis le renforcement d’une culture commune à l’ensemble des parties-prenantes, assurant une gestion relativement pacifiée des socio-écosystèmes régionaux (outils d’aide à la décision, etc.). Le dispositif “4P” de la Zone atelier Arc jurassien, créé dès la fin des années 1980s, a été à la racine de ce travail.
[6] respectivement de 223, 127, 205 et 135 km2

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